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Crise de l’essence au Népal : ma synthèse

By 24 octobre 2015 Népal

Sur Twitter certains ont pu le remarquer : je parle du Népal… et de ses problèmes d’essence. En effet, depuis que nous avons mis le pied dans le pays, tout le monde n’a que cette crise du pétrole à la bouche et chacun y va de sa version. Cela fait désormais trois semaines que cela dure et nous continuons d’en discuter avec les locaux. Je suis également tout cela sur la presse en ligne et j’ai voulu faire une synthèse des informations existantes. Premièrement, pour mieux comprendre moi-même les tenants et aboutissants de cette crise et ensuite vous partager cela. Vous trouverez tous les liens de mes sources en bas d’article.

Le Népal

Il y a six mois, en avril 2015, le pays a été touché par de terribles séismes qui avaient fait plus de 9 000 morts et détruits bon nombre de villages, maisons et immeubles sans oublier quelques monuments du patrimoine historique.

Alors que nous sommes en pleine saison du pic de tourisme, on ne croise pas grand monde et beaucoup d’hôtels et guesthouses sont vides. Finalement, la majorité des touristes étrangers que nous croisons sont des personnes venues d’Inde pour renouveler leur visa indien, mais des touristes extérieurs venus en avion, seulement un à ce jour ! Le tourisme a vraiment pris un coup après le tremblement de terre : s’il était au point mort en mai, au mois d’aout les trekkeurs ne sont toujours pas de retour… apparemment leur nombre serait divisé par 10 ! Ce qui est peu encourageant pour la reprise de l’économie car selon lechotouristique.com « un touriste fait travailler trois népalais ».

 

Le blocus et l’Inde

Comme si cela ne suffisait pas, il se trouve que le pays est depuis trois semaines fortement touché par un blocus de l’essence acheminée d’Inde via le sud du Népal. Si la version que l’on entend de la bouche des népalais est très souvent « c’est la faute de l’Inde », il faut regarder les récents évènements politiques pour mieux comprendre. Le Népal a adopté le 20 septembre 2015 sa nouvelle constitution. Le 11 octobre, un premier ministre a accédé au pouvoir : il s’agit de Khadga Prashad Sharma Oli qui appartient à la formation Marxiste-Leniniste du parlement.

Pour les habitants, l’état indien ferait pression sur le gouvernement népalais pour que le Népal retouche cette nouvelle constitution à leur avantage. Et leur moyen de pression, c’est le blocus des camions citernes transportant l’essence, le gasoil et le gaz… Le Népal est enclavé entre l’Inde et le Tibet (la Chine désormais) et n’a donc pas vraiment le choix que d’importer son essence d’Inde. Par ce moyen de pression, l’Inde chercherait à contrôler plus facilement la politique népalaise pour accéder à ses ressources. Et c’est d’ailleurs bien l’Inde qui a « interrompu le passage des camions d’essence vers le Népal sous prétexte que les manifestants de cette région frontalière menaçaient de les attaquer. Or l’Inde fournit la quasi-totalité du pétrole népalais » (Source RFI, voir liens). Mais l’origine des troubles viendrait en premier lieu de manifestants népalais.

 

Les manifestants népalais

Ce que l’on lit plus souvent est que le blocus des camions serait opéré par l’ethnie des Madhesi. Il s’agit de népalais d’origine indienne vivants au sud du pays, collés à la frontière avec l’Inde. Le Népal est constitué d’une multitude d’ethnies aussi bien dans les plaines au sud que dans ses régions montagneuses. Les Madhesi représentent tout de même environ 25% de la population népalaise, mais seraient « souvent dénigrés, dans cet Etat dominé par les ethnies des montagnes » (RFI, voir liens).

Pour eux, la nouvelle constitution qui a séparé le pays en états fédéraux aurait divisé leur région dans plusieurs états, réduisant ainsi leur représentativité au Parlement notamment…

Ils aimeraient avoir leur propre état fédéré et des mesures d’accroissement des quotas leur permettant d’accéder aux emplois dans le public.

Pour protester ils organisent manifestations et grèves en plus de ce fameux blocus d’un point de passage des marchandises déterminant (le pont frontalier de Birgunj) puisque c’est par là que transite normalement 60% des importations népalaises.

Des affrontements qui ont fait 40 morts ont eu également lieu entre les Madhesi et des personnes de l’ethnie Tharu avec qui ils se partagent le territoire au sud du pays (Teraï) OU entre des affrontements entre la police et les manifestant : j’ai trouvé des infos dissonantes à ce sujet. (Source AFP)

 

Et sur place, ça donne quoi ?

Concrètement en tant que touriste… ça complique la tâche surtout pour les déplacements : en effet, le gouvernement impose des rationnements de l’essence et beaucoup de bus publics sont supprimés. Selon 20 minutes avec le blocus « seuls une trentaine (de camions) par jour (passent) seulement, alors qu’il en faudrait entre 300 et 350 pour un fonctionnement normal du pays ». Il y a bien sûr une partie du fuel qui est réservée justement à certains des bus publics, aux ambulances et aux taxis : il faut bien que les gens puissent se déplacer, nous sommes en pleines fêtes de Dashain. Celles-ci durent une quinzaine de jours au total, les gens sont en vacances et se rendent chez leur famille pour célébrer : donc quasiment tout le monde veut bouger en même temps dans une période où il y a une pénurie de gasoil donc moins de bus, vous imaginez un peu le bazar ? (il n’y a pas de trains au Népal… enfin si un mais la ligne fait juste 50 bornes).

Donc c’est un peu la croix et la bannière pour trouver un bus parfois. Notre ami israélien qui voulait rejoindre Pokhara depuis Tansen s’est retrouvé à 6h du matin à la station de bus pour entendre qu’il n’y aurait aucun bus ce jour là faisant le trajet. Il l’a donc fait en stop (enfin en stop payant, car le prix de l’essence a explosé en plus d’être soumis à un rationnement).

Nous qui sommes partis le lendemain nous avons pu prendre, non sans mal, un premier bus jusqu’à la route principale, et de là a fini par passer un bus qui se rendait effectivement à Pokhara. Etant plein, évidemment, fêtes de Dashain obligent, nous avons du faire les six heures et demies de trajet sur le toit ! Cette pratique est normalement interdite, mais la police la tolère durant Dashain. Tout cela en payant quand même le prix du billet, notre contrôleur faisant des allers-retours entre l’intérieur du bus et le toit tout en roulant (sur une route de montagne, hein sinon ce n’est pas drôle). De notre perchoir on a donc pu admirer les magnifiques paysages de cette route et… les impressionnantes files d’attente des motos, voitures, camion, tracteurs et bus pour les stations services ! Certaines étaient même gardées par des militaires pour éviter tout débordement. Apparemment à Kathmandu les files d’attentes pour l’essence ont pu atteindre jusqu’à 5 kilomètres de long, je vous laisse imaginer.

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nepal essence petrole pretrol crisis criseCordon militaire devant la pompe à essencenepal essence petrole pretrol crisis crise

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Autre chose : le gaz. Lui aussi soumis au blocus, beaucoup de familles et de restaurants ne peuvent plus en trouver une fois leurs réserves épuisées. Ou alors à des prix exorbitants sur le marché noir. Du coup les plus chanceux et la majorité des restaurants qui ont des fours à bois et cuisinent comme cela. Pour les autres je ne sais pas trop comment ils font. (Manger du riz pas cuit ce n’est vraiment pas top).

La situation humanitaire

Autre problème engendré par tout ce bazar, c’est que 6 mois après le séisme, des maisons n’ont toujours pas été réparées/reconstuites et que des personnes ont encore besoin de l’aide humanitaire aussi bien pour se loger que pour se nourrir, se vêtir ou se faire soigner. D’après Jennifer Mc Cann directrice du « Programme de réponse tremblement de terre » pour l’ONG « World Vision », 8 millions de personnes auraient encore un besoin urgent d’assistance, notamment les familles vivants isolées dans la montagne. Celles-ci s’inquiètent avec la venue de l’hiver dans quelques mois (janvier) alors qu’ils continuent de manquer de tout. Les humanitaires craignent que le pays s’enlise à nouveau dans cette nouvelle crise, et l’association internationale des ONG népalaises (AIN) déclare que : « la crise du fuel a déjà un impact néfaste sur la nourriture et les besoins primaires ». Certaines personnes ayant besoin de soins suite au tremblement de terre ne peuvent plus en disposer, les ONG n’ayant plus d’essence pour faire rouler leurs véhicules jusqu’à eux.

Si les associations humanitaires demandent un corridor humanitaire afin de recevoir du gasoil et pouvoir reprendre leur travail, « Les observateurs estiment que cette pénurie de pétrole pourrait impacter l’économie du pays davantage encore que les séismes ». (Source 20minutes.fr)

Les autorités à Kathmandu seraient en train d’essayer de trouver d’autres voies pour acheminer de l’essence (à savoir la Chine, ils n’ont pas douze mille solutions terrestres) mais pour cela il faut déblayer d’urgence des routes qui ont été touchées par le tremblement de terre, sans savoir si celles-ci seront praticables pour les camions. Et avec l’hiver qui ne va pas trop tarder les routes de montagne ce n’est pas le top, surtout quand on habite dans l’Himalaya (déjà que dans le Jura).

Voilà je m’arrête là avec ma synthèse, n’hésitez pas à réagir, me corriger, me poser des questions où m’applaudir pour cette quantité d’informations que j’ai rassemblée avec urgence et passion. #modestiequandtunoustiens

 

Je suis passée le vendredi 23 octobre dans l’émission radio Allo la Planète sur Radio outre-mer et parle un peu du passage de la frontière Inde-Népal à pieds ainsi que de cette crise de l’essence. Replay (je m’exprime à partir de 11 minutes 18)

 

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