Mon article « Le paradoxe du voyageur écolo… mais carniste » a récemment fait quelques vagues sur un groupe facebook où quelques commentaires agressifs m’ont réveillée de ma torpeur bloguesque… Beaucoup de gens me trouvaient moralisatrice. Ce qui arrive souvent lorsque l’on touche à un sujet aussi émotionnel que celui de l’alimentation, même si le propos était plutôt celui de l’information sur un impact écologique souvent oublié! Mais cette agitation m’a un peu fait bouillonner… puis réfléchir!
Mon meilleur avocat a finalement été ma soeur dont je me permets de recopier le commentaire :
Après deux jours à cogiter, voici que je vous ponds cet article, non pour me justifier de quoi que ce soit (même si c’est un peu ce que je fais au final, non?), mais plutôt dans un soucis de partager mon mode de vie actuel. C’est donc un article qui est plutôt personnel/mode de vie que « carnet de voyage »… même si je vis en voyage!
Pas mal de gens ont dans les commentaires relevé que le voyage était par essence pas « écolo » car, par définition, se déplacer par plaisir et non par nécessité c’était polluant etc… Si au début j’ai trouvé cette réflexion un peu ridicule « à ce moment là, on ne fait plus rien, hein »… cela m’a quand même remué les méninges.
Et j’ai réalisé qu’au cours du voyage, mon approche a évolué.
J’ai toujours aspiré à faire de cette épopée une découverte et un temps nous permettant de réfléchir, de découvrir d’autres cultures, de magnifiques paysages et animaux… et aussi des modes de vie plus respectueux de l’environnement et proches de la terre, notamment via des principes de permaculture appliqués par les familles chez lesquelles nous faisons régulièrement du volontariat.
Notre situation actuelle de voyageurs
Pour faire le point. Cela fait désormais un an et demi que l’on est partis, s’il fallait compter… D’abord du stop en Asie Centrale, puis des transports en commun, de la marche et du volontariat en Inde et au Népal, puis quelques mois en Asie du sud-est dont un road-trip en scooter.
Cela fait huit mois que nous sommes en Australie. Ce grand continent sur lequel on avait pas du tout prévu de passer nous aura enfin fait ralentir. Du « slow travel »? Je ne sais pas trop. En huit mois nous avons passé en gros quatre mois dans la zone de Byron Bay, un mois de « road-trip » jusqu’en Tasmanie et trois mois sur cette ile, dont un mois et demi dans des familles en volontariat. Plus quelques voyages d’environ une semaine chacun dans notre voiture convertible en lit sur l’île tasmane. J’ai d’ailleurs posté une vidéo sur ces road-trip si ça vous intéresse plus que mes élucubrations! 😉
Notre woofing dans une vallée reculée de Tasmanie
Au niveau du travail rémunéré en monnaie sonnante et trébuchante (il faut bien gagner sa croute, un peu), j’ai trouvé un peu au pied levé un job dans un verger de cerises sur la magnifique Bruny Island. La saison était catastrophique et on était tous payés au rendement… mais nous rencontrons un super groupe de français, belge, italien et une américaine avec lesquels nous campons dans une « rest area ». On a une routine rigolote, tous les matins : caravane de voitures jusqu’au ferry que l’on prend gratuitement en tant que piétons, puis le bus nous attend sur l’île pour nous emmener à la plantation. Comme à l’usine! Je gagne à peine 700$ en 8 jours, maigre consolation quand le prix de l’essence ne redescend toujours pas (environ 80$ le plein). « On n’est pas cher payés, mais qu’est-ce qu’on se marre ! »
Et depuis, nous sommes en woofing à côté de la capitale Tasmane… et je cherche à nouveau du travail pour financer la suite de nos aventures. Peu de déplacements, donc.
Suis-je une voyageuse écolo ?
Pour en revenir aux questionnements posés en début d’article je me suis interrogée sur mes pratiques de voyage qui pouvaient faire de moi une voyageuse plus écologiste et moins « consommatrice ». J’aime bien l’expression « consommateur de paysage », c’est un peu ce que l’on fait lors de road-trips! Je suis certainement un peu des deux, mais je trouve intéressant de prendre un peu de recul et me poser des questions. Même si pour moi, de longue date, les véritables progrès écologiques se feront par des changements de société et de législation et non par les comportements individuels (stigmatisés d’ailleurs). Je dois nuancer et reconnaitre malgré tout que l’un ne va pas sans l’autre…
Quels gestes je fais au quotidien?
J’ai un peu listé mes gestes « quotidiens » liés à mon mode de vie actuel. C’est marrant de faire des listes des fois, allez avouez vous aussi vous aimez bien!
Alimentation
- Je consomme au maximum local, par exemple les légumes dans des petits magasins/marché et veille à ce que la provenance soit locale et bien sûr de saison. En grande surface je vais acheter des produits venant autant que possible d’Australie (ce pays produit tellement de choses, dont le meilleur beurre de cacahuètes ever), et si possible non transformés.
- Je ne mange toujours pas de viande ni autres produits animaux, d’abord pour des raisons éthiques (#antispécisme) mais aussi écologiques (cf article)
- Dès que possible, nous cuisinons au feu de bois lorsque l’on campe (dans les lieux où c’est autorisé, on ne plaisante pas avec les feux de forêt en Tasmanie) et ainsi éviter d’utiliser le « gas stove » et ses bouteilles jetables. A savoir pour les prochains (nous on a découvert ça que récemment #boulets) : en Australie on peut acheter des petites bouteilles de gaz rechargeables pour le camping avec un bruleur, un peu plus lourd mais si vous voyagez en voiture/van c’est quand même mieux que les cartouches qui vont à la poubelle.
Transports
- J’essaie de limiter un maximum les aller-retour en voiture, et, dès que je le peux, je prends des passagers (même si lorsque notre voiture est installée en mode « nuit », il est très galère de caser des gens). Mais l’Australie reste tout de même un pays de voiture. Je n’ai pas encore sauté le pas de voyager en vélo ou à pieds, un jour peut-être! Mes démarches évoluent.
- Je fais du « slow travel » : plutôt que de faire trois fois le tour de l’Australie, je m’implante plus durablement dans des coins, en travaillant et/ou faisant du woofing/house sitting.
- En 2016 j’ai pris un avion pour faire Inde-Thailande car je souhaitais passer la frontière Inde-Myanmar a pied mais celle-ci a fermé pour les étrangers pile une semaine avant ma date de passage prévue. Et il a bien fallu que je m’extracte de l’Inde alors que mon visa expirait! Puis j’ai pris un avion Vietnam-Australie mi-2016.
- En 2017 nous souhaitons également éviter un maximum l’avion. Nous avons pour projet d’essayer de rejoindre la Nouvelle-Zélande en voilier… mais si nous échouons, ça sera par les voies aériennes que nous nous y rendrons bien sûr (je ne suis pas si bonne nageuse 😉 ). Et pour la suite, pareil : nous tenterons le voilier selon les opportunités et saisons, et sinon nous nous rabattrons sur un avion si nous sommes vraiment coincés par des visas.
Logement
- Lorsque je dors dans la voiture ou dans la tente : pas de chauffage, mais plein de couvertures!
- Lorsque nous dormons en woofing : en général les habitations sont des constructions écologiques au possible, et c’est intéressant de voir ce qu’ont fabriqué les gens pour s’intégrer à leur environnement. En Tasmanie (et en Australie d’ailleurs) dans les coins reculés quasiment tout le monde a des panneaux solaires, récolte l’eau de pluie/des ruisseaux pour boire, la vaisselle etc, des toilettes sèches dont le compost sert au jardin ainsi que des douches au chauffage solaire (super efficace!). Les maisons sont souvent « passives » et bien isolées, chauffées en complément au bois l’hiver.
Hygiène (même si pour moi cela a peu d’impact global sur la planète, je le répète)
- Je me lave peu : une à deux fois par semaine environ, et avec du savon solide, local, éthique et tout le tralala. En road-trip on se trempe dans la mer et les rivières et parfois il y a des douches (chaudes) gratuites (<3 Australie).
Du coup je n’ai pas besoin de m’hydrater car ma peau est moins agressée et je ne me sens pas « sale » pour autant (malgré le fait que je fasse souvent du travail physique). Je lave mes cheveux aussi au savon à la noix de coco, et ils ne me dérangent pas alors qu’à Paris ils étaient toujours gras au bout de deux jours. - J’utilise peu de « produits de beauté« . Après des années j’ai fini par trouver le combo parfait pour ma peau mixte : protection du soleil (crème solaire, chapeau et manches longues, comme les bébés) et huile de jojoba qui est bien plus efficace que n’importe quelle crème que j’ai pu avoir. J’avais vu un jour une vidéo marrante sur la ressemblance cellulaire de cette huile avec le sébum produit par la peau et le fonctionnement du derme et depuis je ne jure que par cela. Lorsque j’en rachète (tous les 6 mois environ) je privilégie le local et le cruelty free.
Et du dentifrice, puis c’est tout! J’ai aussi fait l’acquisition d’une brosse à dent en bois hahaha !! (La « environmental toothbrush » australienne, trouvée en magasin bio, lien non sponsorisé, of course).
Habillement
- Quasiment tous mes vêtements sont « recyclés », c’est à dire de seconde main. En arrivant en Australie en hiver nous avons dû nous équiper, nous nous sommes donc rués sur les « second-hand shops » tels que Vinnies (l’équivalent de notre Emmaus français) et autres. Bravo l’Autralie pour cette culture du second hand (et vive les vide-grenier en France!). Nous avons également trouvé des vêtements laissés par des backpackers dans une auberge de jeunesse à Brisbane, dont mon jean de travail que j’ai bien « rentabilisé ». Le dernier vêtement neuf que j’ai acheté ce sont peut-être des chaussettes en vrac… ou encore une robe d’une créatrice locale en Thailande. Je suis loin de soutenir les grands groupes industriels de mode. Il est bien sur hors de question pour moi d’acheter des vêtements neufs contenant de la laine/ du cuir, mais il peut m’arriver d’acheter des produits « de seconde main » en contenant. Comme par exemple une paire de Vans superbes, modèle vintage avec peut-être un peu de cuir (mais même pas sûr) tout à fait à ma taille dans un « Opportunity shop » au fin fond de la Tasmanie pour… 5$. La non-accro au shopping que je suis n’a pourtant pas pu résister.
Dans cette société de data, quantifions! Mon empreinte écologique.
Par curiosité j’ai aussi eu l’idée de calculer mon empreinte écologique sur plusieurs outils* pour croiser les sources. Les résultat sont quantifiables en nombre de planètes qu’il faudrait pour soutenir mon mode de vie si tout le monde vivait comme moi. J’ai répondu de la façon la plus proche et honnête possible. Je me suis dit que cela pouvait être intéressant pour compléter l’article.
Les résultats sont entre 1.1 à 1.7 planètes*, ce qui est beaucoup moins que lorsque je vivais en appartement à Paris et avais une alimentation non végéta*ienne .Mon résultat pour mon mode de vie alors était de 2,3 planètes environ, et pourtant je n’avais pas de voiture et recyclais abondamment. La moyenne mondiale est de 1.6. Pas si mal pour une « occidentale ».
Il faut aussi noter que l’alimentation est un facteur présent dans tous les tests.
Je ne sais pas si ces questionnements peuvent vous intéresser où vous touchent un peu, mais j’avais envie de les partager et d’avoir votre avis sur la question, mes chers lecteurs (qui que vous soyez 😉 )
La bise des buissons connectés en wifi.
*Outils utilisés : e-graine (résultat 1.1), le calculateur d’empreinte du WWF (résulat 1.7), celui du Global Footprint Network (résultat 1.7).
4 Comments
Intéressant, même si je ne suis pas sûre d’avoir tout compris.
Mais bon on ne peut pas toujours tout comprendre s’pas!!!
bisous sous la neige et le givre, c’est très beau ce matin!
Ma jolie Rory, je comprends que certain commentaires ont pu te faire de la peine. Mais je te trouve assez exemplaire et pour le coup pas du tout donneuse de leçon. Ta manière de voyager est très intéressante et je suis assez admirative de ton parcours !
Ton analyse est plutôt juste et même si j’imagine très bien que certains commentaires peuvent être blessants, je pense que tu as réussi à prendre assez de recul sur tout ça pour les comprendre. Comme eux ont du se sentir aussi « agressé » par ton article car ça bousculait un peu leur conviction. Je pense que c’est vraiment difficile d’avoir une attitude à 100% en respect avec l’environnement. Comme tu le dis, sinon on ne fait plus rien ? Après je pense que l’important n’est pas d’être 100% écolo et de n’avoir aucun impact sur l’environnement, mais de connaitre ses propres limites et de faire son maximum. Ton mode de vie est plutôt exemplaire de ce niveau la, même si tu trouveras toujours des réflexions de certains montrant que tu peux faire encore plus. Chacun ne peut pas en faire autant, moi la première ! C’est très intéressant de soulever des questions comme tu l’as fait. Mais je ne pense pas que toutes les personnes se disant écolo doivent à tout prix se justifier dès qu’ils font quelque chose qui ne l’est pas et encore moins se mettre sur la défensive quand on met le doigt dessus. Le tout, au final, c’est d’être honnête avec soi même. Au plaisir de te relire ! =)
Merci de ton commentaire! Effectivement c’est le problème dès lors que l’on parle de végétalisme/risme, les gens se sentent agressés dans leurs convictions, tout comme je l’ai été au début de ma remise en question et découverte des impacts de la production de viande sur l’environnement… et que défendre les droits des animaux ce n’était pas un truc de « sensible » dont il fallait avoir honte.
Je comprends ton point de vue et il est rafraichissant mais là disons que ça m’avait tellement fait réfléchir que j’avais envie de partager cet article 🙂
Mais être honnête avec soi même, c’est ce que j’essaye de faire au max, et pour moi les personnes choisissant le véganisme essayent de faire « au mieux ». Il est impossible d’être parfaitement végane ou d’avoir 0 empreinte écologique mais l’important c’est de prendre conscience, d’essayer et de transmettre !